Résolution adoptée unanimement, mercredi 3 février 2010
Dans l’esprit et la continuité de deux motions de principes adoptées par l’ADEGE, en 2000 à Fort-de-France et en 2005 à Montpellier, et de démarches entreprises par les opérateurs publics français et européens auprès des ministères de leurs Etats respectifs, de la Commission et du Parlement européens, les élus réunis en assemblée générale de l’ADEGE, le 3 février 2010 à Cayenne (Guyane), adoptent la résolution suivante.
Principes et arguments
1. Les opérateurs publics de démoustication appliquent les décisions de leurs collectivités de tutelle, qui fixent les objectifs politiques pour un développement durable, en matière de contrôle de la nuisance due aux moustiques comme de lutte anti-vectorielle, et qui mettent à disposition les moyens nécessaires : précision en terme d’efficacité ; maîtrise des effets non intentionnels ; recherche, au plan économique, du meilleur coût, compte tenu de la satisfaction des deux conditions précédentes.
2. L’objectif de base, dans une optique de lutte raisonnée, rend indispensable l’accès à une pluralité de substances actives insecticides, afin de :
- tenir compte de la diversité des milieux d’intervention et de la biologie des espèces culicidiennes visées.
- prévenir et gérer les phénomènes de résistance des moustiques aux insecticides utilisés.
- contrôler les nuisances consécutives aux échecs de la lutte anti-larvaire par des traitements anti-adultes.
- intégrer le risque représenté par la présence d’espèces culicidiennes reconnues vectorielles et l’apparition d’espèces nouvellement importées et potentiellement vectorielles.
- contrôler les épisodes épidémiques avant l’apparition de situations difficilement gérables.
3. Les propriétés d’un insecticide et son impact ne peuvent être séparés des modalités justifiant son choix et de la manière de l’utiliser. Une méthodologie très sophistiquée (lutte anti-larvaire utilisant une cartographie écologique basée sur l’étude des relations moustiques - milieu), motivée aussi bien par l’efficacité que par le respect de la biodiversité et des équilibres naturels, a été conçue dès leur origine par les opérateurs en charge de cette lutte.
4. Les situations sont différentes selon les zones couvertes par les programmes de démoustication (à l’intérieur d’une même région comme entre régions différentes : climats méditerranéen - océanique - continental - tropical), en ce qui concerne la faune et la flore des milieux considérés, ainsi que les objectifs à atteindre (contrôle d’une nuisance et/ou lutte anti-vectorielle). Les stratégies opérationnelles peuvent varier mais les principes et la méthodologie de base sont identiques.
5. Il est impératif de disposer d’un moyen contre les moustiques à l’état adulte, dont il faut optimiser l’emploi de manière à l’intégrer dans la stratégie opérationnelle, comme cela se pratique partout :
- pour parer aux échecs inévitables mais prévisibles de la lutte anti-larvaire.
- pour contrôler d’éventuels épisodes endémiques (dengue, chikungunya, virus du Nil occidental, paludisme, fièvre jaune).
6. La protection des écosystèmes, plus particulièrement des zones humides, sources de richesse et aussi de dangers (zoonoses et anthroponoses vectorielles), est une préoccupation permanente des opérateurs de contrôle des phénomènes de nuisance ou d’épisodes épidémiques, dans une optique de développement durable.
Ainsi, les modes opératoires mis en œuvre obéissent à une recherche de maîtrise maximale des impacts environnementaux. Le recours aux interventions aériennes s’inscrit dans cet objectif, permettant d’éviter une pression physique sur les milieux tout en traitant de grandes superficies dans un temps minimal, devançant ainsi des éclosions synchrones.
7. Les opérateurs publics de démoustication ont produit des efforts considérables dans le sens d’une démarche qualité, incluant l’évaluation de leurs activités (traçabilité, mesure de l’efficacité, certification d’un de leurs membres), afin d’optimiser leurs outils et de rendre compte.
Ils multiplient les échanges d’expériences entre eux et avec des opérateurs européens ou d’autres continents, comme moyen d’atteindre l’excellence. Ils s’investissent dans un projet ambitieux et améliorateur, retenu dans le cadre du programme européen LIFE+ (2010 - 2013). Ils analysent la demande sociale à laquelle ils répondent, afin d’ajuster et de cibler leurs pratiques, conformément à la commande qu’ils reçoivent de leurs autorités publiques de tutelle.
Situation actuelle
Depuis quelques années, en application de la directive européenne de 1998 « biocides », le panel des insecticides homologués pour la démoustication s’est réduit en nombre, au-delà du raisonnable. En 2010, cette paupérisation des moyens est devenue excessive voire dangereuse :
◊ S’agissant des larvicides (insecticides utilisés pour le contrôle des moustiques à l’état larvaire), un seul produit est désormais communément disponible : un insecticide d’origine biologique (Bacillus thuringiensis israelensis - Bti), agissant par ingestion et non par simple contact, reconnu pour sa très grande sélectivité mais dont l’efficacité reste tributaire des modalités d’application, de la configuration des milieux et des conditions climatiques. Si quelques insecticides issus d’autres familles de produits, tels que les régulateurs de développement d’insectes, sont potentiellement utilisables pour le contrôle des moustiques à l’état larvaire, ils sont plutôt à réserver à un usage urbain ou périurbain, en raison d’une moindre sélectivité envers les arthropodes non cibles.
◊ S’agissant des imagocides (insecticides utilisés pour le contrôle des moustiques à l’état adulte), dès le retrait du marché du dernier insecticide disponible, le fénitrothion, programmé en septembre 2010, plus aucune substance ne sera homologuée pour cette application en milieux ouverts. Seules des applications resteront possibles en zones agglomérées, à partir de pyréthrinoïdes.
◊ Les traitements aériens sont menacés, au titre de la directive cadre européenne du 13 janvier 2009 sur « l’utilisation durable des pesticides », qui vise l’interdiction de ceux réalisés pour des objectifs phytosanitaires (agriculture). Les applications de démoustication relèvent du domaine biocide (santé publique) mais seront tôt ou tard concernées, par parallélisme des formes. Or en Méditerranée, 70 % des traitements de démoustication doivent être réalisés par voie aérienne.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments :
- un risque accru d’échecs ponctuels dans l’espace et dans le temps.
- l’impossibilité de toute reprise de traitements larvicides partiellement ou totalement inefficaces.
- l’incapacité de protéger des zones agglomérées exposées à des invasions de moustiques, nuisants et/ou vecteurs, provenant de secteurs non démoustiqués (exemple de la Camargue).
- la difficulté de traiter de vastes zones avant que s’exprime la nuisance ou le risque vectoriel.
Demandes et actions urgentes
Les collectivités et opérateurs territoriaux membres de l’ADEGE expriment, en l’état actuel des données dont ils disposent, des réserves expresses sur l’emploi du Bti comme « seule alternative ». Aussi :
◊ N’ayant pas la capacité, en termes d’influence, de montants de marché ou de surface financière, de développer directement de nouvelles molécules et formulations ou de peser sur le secteur industriel afin qu’il y procède, ils demandent avec insistance à l’Etat de prendre ses responsabilités, en se rapprochant instamment des sociétés productrices, en vue de mettre en œuvre sans tarder les processus utiles à l’identification d’une ou plusieurs substance(s) active(s) pour les applications anti-moustiques à l’état larvaire et à l’état adulte, en y contribuant financièrement si nécessaire, d’instrumenter les procédures d’homologation et de commercialiser à un prix abordable une pluralité d’insecticides de nouvelle génération répondant à l’efficacité attendue et à la préservation des milieux.
◊ Les opérateurs de démoustication demandent à être consultés en amont de tout projet de modification des règlements européens concernant leurs activités et de toute transcription en droit national, en particulier de la directive du 13 janvier 2009 sur « l’utilisation durable des pesticides » et de son éventuelle extension au champ des traitements aériens biocides.
◊ Ils s’engagent, à cette fin, en appui sur leurs collectivités de tutelle, à intensifier leur effort d’information, en direction des ministères et administrations centrales principalement concernés (au premier rang : Ecologie, Santé), des directions générales de la Commission européenne (Environnement, Santé et Consommateurs) et du Parlement européen, par des rendez-vous, réunions et colloques scientifiques, et à communiquer activement auprès de tous les publics concernés.
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