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ADEGE / LIFE+

Vectoriel et nuisance : même combat !

Ne dites pas au Ministère que nous parlons de la perspective de réforme de la gouvernance de la LAV, il croit que nous sommes en voyage d’agrément en Martinique… (paraphrase d’un vieux roman du publicitaire Jacques Séguéla).

Décentralisation et concertation

Ce projet de réforme, qui est dans les cartons du ministère de la Santé depuis deux ou trois ans, a fait l’objet de tellement d’allers retours entre Paris et les agences régionales que, sans trahir de secret, sa substantifique moelle a fini par transpirer quelque peu. Et, par bribes, les collectivités et opérateurs de démoustication ont eu vent des principes « confidentiels » récapitulés dans plusieurs « versions internes de travail ». Si bien que ce point a été au centre des discussions des élus de  l’ADEGE, lors de l’assemblée générale de Fort-de-France, il y a deux mardis. Cela dit, le Ministère est dans son rôle, à ceci près que les collectivités territoriales – les Départements au premier chef – devraient être à tout le moins concertées. Le nouveau « paquet » de décentralisation qui se profile à l’horizon de 2013, sous l’égide du nouveau gouvernement, justifiera donc, avant la fin de l’année, une sollicitation « pro active » des ministères concernés par le bureau de l’ADEGE.

Limites d’une recentralisation

Les réflexions menées jusqu’ici au niveau de l’État correspondent à de bien réels problèmes, que les EID, notamment, rencontrent sur le terrain, dans le cadre de la lutte contre Aedes albopictus. Par exemple, sur le plan organisationnel, l’hétérogénéité de traitement est pointée du doigt, selon que le problème vectoriel se déclare dans un département habitué au contrôle (comme en Languedoc-Roussillon) ou dans un département étranger à la culture du moustique. Ou bien selon que la problématique est prise en charge au niveau du conseil général ou au niveau d’une ou plusieurs communes. Rien qu’en matière de communication préventive, on a recensé, entre Menton et le Languedoc, une bonne demi-douzaine de dispositifs et supports différents relatifs au « moustique tigre »... Aussi, le principe d’une maîtrise d’ouvrage coordonnée à un échelon territorial pertinent (il est question d’un « schéma régional ») se pose avec acuité. Mais là où le bât blesse, c’est quand l’État prévoit de recentraliser une compétence affectée aux Départements puis de pouvoir la déléguer aussi bien à un conseil général qu’à une commune ou à un regroupement de communes, y compris sur des territoires couverts depuis longtemps par des dispositifs de contrôle de la nuisance.

Distinguo pour cause financière

En fait, ce qui est au cœur du problème et qui nuit à sa solution équilibrée, c’est la persistance de l’État à distinguer contrôle de la nuisance et lutte anti-vectorielle, alors que les deux actions devraient être confondues. En effet, un moustique « potentiellement » vecteur est très souvent et dans le même temps un fort nuisant (cf Aedes albopictus ou Aedes aegypti). D’autre part, lutter contre un vecteur impose de continuer à lutter  ou, dans les secteurs nouvellement impactés, de commencer à lutter contre toutes les espèces qui piquent, car pour le particulier, un  moustique est un moustique (dans les Alpes-Maritimes, on a dû associer à la lutte contre Aedes albopictus le contrôle de Culex pipiens et d’Aedes mariae). Enfin, les moyens opérationnels mis en œuvre sont les mêmes pour l’un et l’autre objectifs et, en vue de simplification et d’économies d’échelle, ils doivent obéir à une organisation intégrée. Alors, il y a une raison à ce distinguo, et elle est financière : l’État consentirait à participer significativement au financement des actions dites de LAV (il est mentionné 50 % contre 25 % aux Départements et 25% aux communes, avec des critères de répartition très discutables, par ailleurs) mais… pas aux actions dites de « confort ». Une position qui confine à la quadrature du cercle et qui borne le vaste champ de la nécessaire concertation. Sans parler des problèmes spécifiques aux départements d’outre-mer, dont il sera question dans le prochain épisode.

 

Les 6 conseils des Sages

Le conseil scientifique et technique de l’ADEGE (et aussi du projet européen « IMCM / LIFE+ »), présidé par Pierre Carnevale (photo), a émis 6 recommandations à l’attention des élus de l’agence nationale :

1- Mettre fin à la distinction vecteur / nuisant, qui se révèle totalement artificielle et inadaptée.

2- Finaliser le guide des bonnes pratiques du « LIFE », en y associant étroitement le CST, s’inscrire dans la démarche AFNOR (Qualité) et s’activer à la reconnaissance des métiers de la lutte contre les moustiques.

3- Poursuivre et finaliser l’outil de prévision du risque vectoriel induit par Aedes albopictus, en incluant le risque épidémiologique.

4- Poursuivre les études de résistance aux insecticides d’Anopheles darlingi, vecteur majeur du paludisme en Guyane, en développant un partenariat avec d’autres équipes de recherche.

5- Renforcer l’information auprès du public sur tous types d’épandages (larvicides ou adulticides) et pour tous objectifs (nuisance ou vectoriel), dès lors qu’ils sont effectués avec les mêmes appareillages.

6- Valoriser les informations (scientifiques, techniques, bibliographiques, etc) réunies dans le cadre du projet européen « IMCM / LIFE+ » via une banque de données (BDD).

 

Les autres sujets évoqués à l’AG de l’ADEGE

En sus des échanges sur la perspective d’une refonte de la gouvernance de la LAV, évoquée dans le dernier « Flash », d’une présentation aux élus de l’actualité du projet européen « IMCM / LIFE+ », avec une insistance sur l’avancement global du projet, le guide de bonnes pratiques et le portail géographique « gouvernance » (voir ci-dessus), et de l’exposé des 6 recommandations du conseil scientifique et technique, l’AG de l’ADEGE a traité d’autres questions, liées à la vie de l’association (notamment les cotisations annuelles) et à l’ouverture éventuelle de l’agence à des administrations de l’État. En effet, certaines ARS d’outre-mer (Guadeloupe, Réunion, Mayotte) en ont manifesté l’intérêt, dans la mesure où elles s’activent dans la LAV sans l’appui des collectivités de leur ressort. La décision a été suspendue, en l’attente de la refonte éventuelle de la gouvernance de la LAV et sachant que l’ADEGE est un regroupement de collectivités et établissements territoriaux. Des représentants des ARS, pas seulement d’outre-mer, pourront toutefois être conviés au coup par coup à des réunions techniques organisées sous l’égide de l’ADEGE. Enfin, à l’issue de la présentation du bilan de la présidence martiniquaise de l’agence, par Christian Edmond-Mariette, un satisfecit général lui a été décerné. Sa volonté de s’instruire, sur le terrain, des organisation et modes opératoires de chaque service opérateur a été unanimement saluée.